Sunday, April 5, 2009

La fin de la saison du lépisme

Le printemps arrive ici, le printemps est déjà arrivé. Le soleil me brûle encore les joues même si c'est déjà l'heure de me coucher. Les promenades de Kits et English Bay étaient pleines de gens heureux, en skateboard, rollerblades, vélo, avec leur chien, leur blonde, leurs enfants, leurs amis, moi à pied avec du sable dans mes souliers. J'ai pris le petit bateau pour traverser False Creek, longer les voiliers et passer sous le pont. J'ai marché le long du Sea Wall et j'ai joué à trouver le chat en parlant au téléphone. Ça sentait l'air salé et frais comme à Rimouski mais ici c'est le printemps et je ne portais même pas de manteau, ni de gants, ni de tuque ou de foulard ou de bottes et encore moins un parapluie.

Ici depuis des jours il pleuvait et tout le monde était misérable et livide. À la maison en me couchant le soir ça me prenait des heures à me réchauffer les pieds sous la couette de plumes. Quand la pluie tombe à Vancouver, quand c'est le printemps et que la pluie tombe et inonde les trottoirs et les ornières, l'eau de la rue te mouille les souliers, les bas, les pieds, les pantalons, la peau, les os. Quand la pluie tombe sur les fleurs des cerisiers que personne ne remarque parce qu'on ne voit pas ce qu'il y a au-dessus de son parapluie, les insectes (je viens d'apprendre qu'il sagit du lépisme argenté) sortent des murs et on les voit se promener sur le plancher, sous le tapis, dans le bain et je dors la fenêtre ouverte pour ne pas trop respirer l'air rempli de moisissure venant de la salle de bain de l'autre côté du corridor. J'entends la pluie tomber et mes pieds sont froids et les insectes nocturnes se fatiguent à manger les murs et les livres de ma bibliothèque.

Mais en fin de semaine le printemps est arrivé et maintenant après la fin de semaine au soleil j'ai les joues qui chauffent et la fatigue qui me poursuit parce que les soirées se sont rallongées depuis jeudi. On célèbre le printemps, les nouvelles amitiés, la visite d'un membre de sa famille, le premier barbecue de la saison.

Le printemps est arrivé, c'est Pâques bientôt, j'ai quand même l'impression que je viens tout juste de revenir de mes vacances de Noël. Depuis que j'ai remis les pieds ici j'ai été emportée dans ce que je crois être une sorte de vortex où mon temps se passe en séances intenses de hang out, texto sur mon cellulaire, conduire pour aller à l'écurie, me presser à monter sur mon cheval parce qu'il faut que je retourne chez nous me coucher si je veux me lever à temps pour le travail demain, party, écrire, jouer de la musique, travailler. Pourtant quand je déplie la carte temporelle des derniers mois je vois que les détails n'en finissent plus et s'il fallait que je lise la liste ou la transcrive sur internet je perdrais probablement quelques semaines de mon temps précieux, de ma vie de jeune adulte, de jeune professionnelle, de jeune femme célibataire, d'avenir de ma compagnie, de cavalière de concours, de perdue à l'autre bout du pays, de maux de dos, de fatigue, de lendemain de veille.

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