Tuesday, March 23, 2010

Printemps si tôt

Printemps si tôt arrivé, déjà je pense à l'été qui s'en ira. Quand la neige qui ici n'existe pas commence à fondre à l'Est, ici les fleurs des cerisers commencent à tomber. Mon cheval se défait de son manteau d'hiver et à travers les milliers de poils qui s'emmêlent, aterrissent dans mes cheveux je vois la promesse de jours où le soleil réchauffera mon coeur heureux.

Printemps si tôt, hiver pluvieux, été venteux, automne mordant, de quoi aura l'air l'année qui m'attend.

Mon corps plus vieux et les lignes sous mes yeux qui se creusent et se fixent. Mes cheveux qui poussent, marqueurs du temps, la gale qui se forme sur la chair vive et le sang que je gratte et j'arrache dans mes rêves eveillés, le cou qui craque et les mollets bien tendus d'avoir monté et descendu les montagnes de l'ile.

Printemps si tôt et l'air frais de la nuit vient me chercher dans mon lit, le plancher du 17, qui descend et remonte, mon lit si petit quand je le partage avec lui. Bientôt je le verrai de nouveau, depuis l'arrivée du printemps on a manqué de temps.

Printemps beaucoup trop tôt alors que je commence seulement à comprendre que je ne peux pas contrôler le temps, comme mon cheval de muscle et d'os, avec qui j'apprends à travailler fort et longtemps, à exiger patiemment, à corriger calmement.

Automne mordant qui se sort déjà les dents, menaçant, m'attaquant il m'attend au tournant. Et c'est là qu'il devient évident que ce qui se passera d'ici là determinera qui sera le nouveau moi.

Alors que l'hiver s'achève je m'ennuie de ses joies brèves je resserre les poings autour d'elles et me voilà moi-même étranglée par ma propre incapacité à laisser les choses arriver.

Printemps si tôt et moi si petite et le monde si grand.

Thursday, March 18, 2010

Un boulon en moins

Un boulon en moins dans mon cerveau en mode économie d'énergie. Un boulon et une vis perdus depuis le moment où je l'ai su. Un boulon, une vis, une pièce mécanique tombés de la structure complexe qui me tiens les os, la tête et le coeur ensemble alors que je trébuche sur l'asphalte au petit matin sous les regards vagues des phares des voitures blanches et bleues.

Ma batterie s'est rechargée et quand j'écris rien c'est parce que tout va bien mais me revoilà torturée tourmentée, les mains bien huilées, graisseuse, rouillée, le cambouis étalé sur le visage, les coudes galeux, la gorge pleine de morve, et ma vie qui défile et mon moteur qui ne veut pas se réparer qui persiste à semer un peu partout des morceaux de mon âme que je ne peux pas ramasser car j'ai les mains trop pleines de vis, clous, plaques de métal, restants de qui j'étais hier ou avant-hier.

Mon coeur s'est démantelé il y a deux ans et depuis ce temps il n'y a plus rien qui fonctionne vraiment. Depuis rien ne tient en place, je me blesse le corps et ne peux réparer mon coeur. J'ai envie d'ouvrir les doigts et laisser tomber toutes les pièces usées à qui il manque des bouts, des trous, que j'ai ramassé de quelqu'un d'autre peut-être mais qui je crois ne ressemblent pas à celles, petites et délicates, qui font tourner ma machine interne, ma fournaise à rougir les joues et friser les cheveux, ma chaufferette qui oublie d'envoyer des soldats au bout de mes doigts.

Les petits os d'oiseau gris et jaunes qui s'entremêlent dans mon noyau bouillant et me piquent les sentiments violents, voilà ce que je m'entête à couvrir de boulons métalliques graisseux et froids. Voilà les pensées qui m'habitent, voici le fond de ma boîte cranienne aux pentures mal fixées, ici vous voyez l'impossible labyrinthe de confusion et sentiments de contradictions et d'amants indifférents d'ébulition de sang et fluides corporels qui s'étalent sur le tapis blanc de la plus petite pièce aux murs chambranlants.

Maudit tourni d'émotions, heureusement que Griffin me babine les épaules sans se sortir les dents.